vendredi 3 février 2012

Femmes anti-bonnes-femmes — 1

Belinda Baggs, la Cyd Charisse du longboard

« Le premier qui a appelé la femme le ”beau sexe” a peut-être voulu faire une plaisanterie, mais il est tombé plus juste qu’il n’a cru le faire lui-même. »

Emmanuel Kant 

6 commentaires:

  1. Cher Frédéric,

    A propos des femmes…
    Lors de ma lecture – il y a peu - de l’excellent livre de Clément Rosset « La force majeure », j'ai relevé un passage étrange (qui semble tomber comme un cheveu sur la soupe). Je vous le livre tout de go :
    « C’est même là le privilège extraordinaire de la joie que cette aptitude à persévérer alors que sa cause est entendue et condamnée, cet art quasi féminin de ne se rendre à aucune raison, d’ignorer allégrement l’adversité la plus manifeste comme les contradictions les plus flagrantes : car la joie a ceci de commun avec la féminité qu’elle reste indifférente à toute objection. » P 8.

    J’avoue que j’en suis restée perplexe…

    Amicalement, Virginie.

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  2. Chère Virginie,

    Il n'y a pas d'excellents livres de philosophie sans une goutte de misogynie — dût-elle troubler la limpidité et la saveur des pages.

    Pardonnez ce truisme, mais les misogynes sont des sentimentaux inconsolables.

    À vous,

    Frédéric

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  3. Je ne vois aucune misogynie dans ce propos de Rosset, pour deux raisons :

    - Tout d'abord, la féminité ne concerne pas que les femmes, elle peut être, selon des degrés divers, présente chez des hommes ou des femmes...

    - Ensuite, toute la philosophie de Rosset est tournée vers la joie et l'existence, thèmes inépuisables puisqu'il nous montre en les reprenant sans cesse dans son oeuvre que la raison ne peut en venir à bout ; elle a beau crier, nous dit Pascal, elle ne peut mettre le prix aux choses. Dire que la joie comporte quelque chose d'irréductiblement féminin me paraît plutôt dénoter la fascination de Rosset pour la joie ET le féminin.

    Dans le même ouvrage, un autre passage peut être rapproché de celui que vous citez.
    Rosset, dans le "Post-scriptum : le mécontentement de Cioran", nous livre une profonde réflexion sur cet auteur, mais aussi sur l'impossibilité d'attraper l'existence (et la joie qui l'approuve) dans les rets de la raison et de la philosophie :

    "Le paradoxe de l'existence - Cioran ajouterait, non sans quelque raison, son horreur - est donc tout à la fois d'être _quelque chose_ et de _compter pour rien_. Etant trop pour être tenue pour rien, mais trop peu pour être prise en compte, l'existence ne se présente qu'à l'état de trace indosable, comme disent les les chimistes lorsqu'ils établissent qu'un élément est présent dans la solution qu'ils analysent, mais en trop petite quantité pour être _appréciable_." (op. cit. p. 96)

    La joie ne donne pas aux choses le prix que la raison ne peut y mettre. Elle nous montre que l'existence est _hors de prix_ en un double sens : au-delà et en deçà de toute appréciation ; impondérable et surprenante pour la pensée qui ne peut donc faire sa besogne de _pesée_.

    "Hors de prix, impondérables et surprenantes ", ne sont-ce pas aussi d'ironiques caractéristiques que partagent l'existence, la joie et la féminité ?

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  4. Bonjour Callicles,

    On peut aimer Clément Rosset et néanmoins reconnaître cette petite pointe de misogynie… Cela n’amoindrit pas tout le reste de son texte.

    Remplacez juste dans son texte « cet art quasi féminin de ne se rendre à aucune raison » par « cet art quasi masculin de ne se rendre à aucune raison » et imaginez-le rédigé par une femme. Effet garanti auprès de la plupart des mâles.

    Sur l’argument avancé qui consiste à dire que « la féminité ne concerne pas que les femmes », j’aime trop les sophistes pour pointer le sophisme préférant rester dans les métaphores capillaires disant que c’est tout de même un peu tiré par les cheveux…
    Quant à noter que « Dire que la joie comporte quelque chose d'irréductiblement féminin me paraît plutôt dénoter la fascination de Rosset pour la joie ET le féminin ». Je pourrai le pasticher cette phrase de la sorte, par exemple : « Dire que le pessimisme à quelque chose d'irréductiblement masculin me paraît plutôt dénoter la fascination de XXX pour le le pessimisme ET le masculin ». C’est, selon moi, de la casuistique.

    J’ai lu hier soir un petit aphorisme qui se trouve en introduction du gai savoir (je restitue approximativement de mémoire). « Il y’en a qui préfèrent passer par le trou de la serrure plutôt que par la porte grande ouverte ».
    Appelons un chat un chat et une pointe de misogynie une pointe de misogynie.

    Très bon début de semaine sous grand froid.
    Cordialement

    Axel.

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  5. Bonsoir,

    Cette phrase "Les misogynes sont des sentimentaux inconsolables" est juste magnifique. Merci.

    Et joie gratuite procurée par le hasard, au moment même où je lis les propos de "callicles" La chanson "La vie ne vaut rien" de Alain Souchon passe sur ma playlist... La vie ne vaut rien la la la, mais rien ne vaut la vie...

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  6. A virginie

    On peut, et Calliclès semble très doué, justifier le propos de Rosset, et faire une sorte d'ontologie du féminin - je me moque. Féminin dont on dira ensuite qu'il n'est pas l'apanage de la femme, etc., etc.
    L'essence (comme l'Etre et autres "réalités" philosophiques) est féminine donc exigeante, c'est-à-dire que malgré son exigence, ou à cause d'elle, elle finit souvent par se tordre pour s'adapter aux réalités qui s'imposent.

    On peut aussi penser que Clément Rosset s'est souvenu de ce propos de Pavese (je crois), et de la vérité qu'il décrit: "celui qui croit dans le pouvoir de la raison n'a jamais eu a discuter serré avec une femme".
    Il va de soi que, là encore, qu'un homme peut parfaitement être une femme comme les autres. Enfin presque.

    Tristan, commentateur sentimental :-)

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